Liliane Zossou à son bureau

Liliane Zossou: «L'apprentissage n'est en aucun cas une voie de garage»

Genève fête ses apprentis. Plus de 3’240 jeunes et adultes ont réussi leur cursus cette année dans le canton. Les CFC, AFP et prix spéciaux sont remis lors de cérémonies officielles organisées les 23 et 24 septembre. L’occasion de rencontrer la nouvelle directrice de l’OFPC, Liliane Zossou. Interview.  

Genève Attractive: Cette année, 3’245 diplômes sont remis, contre 3’130 en 2024. C’est un chiffre particulièrement élevé. Comment l’expliquez-vous ?  

LZ: Ces résultats dépassent en effet ceux de l’an dernier, qui étaient déjà très encourageants. Pour être précise, le taux de réussite en apprentissage dual (CFC) atteint 88,6% en 2025, contre 87,8% en 2024. Pour les AFP, il progresse à 89,1%, contre 86,2% l’an passé. La tendance est donc clairement positive, même si nous continuons à travailler pour renforcer encore ces réussites, notamment en soutenant les entreprises formatrices dont le rôle est central. 

À Genève, seuls 5% des élèves sortant du Cycle d’orientation choisissent directement la voie de l’apprentissage, le taux le plus bas de Suisse. Comment comptez-vous encourager davantage de jeunes à se tourner vers cette filière ? 

C’est vrai que le taux reste bas, mais il a tout de même atteint 5,3% en 2024-2025, ce qui est le meilleur taux à ce jour. Toutefois, beaucoup reste à faire, et cela passe d’abord par une meilleure information auprès des jeunes. Plusieurs dispositifs vont dans ce sens. Go-apprentissage, désormais présent dans les 19 cycles d’orientation, permet aux élèves de bénéficier d’un coaching individualisé pour les aider dans cette transition directe vers la formation professionnelle.  

« L’apprentissage peut donner accès aux Écoles supérieures (ES) ou aux Hautes écoles spécialisées (HES) » 

Nous organisons aussi des Villages des métiers destinés aux élèves de 10e : des entreprises viennent avec leurs apprentis pour présenter leur profession, montrer des gestes concrets et partager leur expérience. Ces échanges suscitent souvent beaucoup d’enthousiasme.

Nous avons récemment organisé des visites aux SwissSkills à Berne, afin que des classes de 10e puissent découvrir la richesse et la diversité des métiers, directement à travers des démonstrations de haut niveau.  

Et qu’en est-il des parents, qui jouent souvent un rôle décisif dans l’orientation de leurs enfants ?  

Nous avons aussi mis en place des actions ciblées : un journal, Le Génie des métiers, distribué dans tous les foyers, ou encore des séances d’information pour les parents. C’est essentiel, car ce sont eux qui influencent fortement les choix des jeunes. 

Plusieurs experts estiment que les cantons souhaitant renforcer la formation professionnelle devraient limiter l’accès à d’autres types de formation. Est-ce une piste envisageable pour Genève ? 

Ce sont de grandes réflexions, discutées aussi au niveau intercantonal. Chaque filière a ses atouts. À Genève, nous misons surtout sur une sensibilisation précoce : intervenir dès le Cycle d’orientation. L’apprentissage n’est en aucun cas une voie de garage : il peut donner accès directement aux Écoles supérieures (ES) ou, via une maturité professionnelle, aux Hautes écoles spécialisées (HES). Notre priorité est de faire connaître toute la palette des parcours possibles après un CFC ou une AFP. 

Mais il ne faut pas oublier qu’il y a un autre facteur décisif. Pour que davantage de jeunes puissent entrer en filière professionnelle, il faut aussi que les entreprises offrent davantage de places à ces jeunes.  

Justement, Genève peine aussi à mobiliser les employeurs : le canton affiche le taux de places d’apprentissage par rapport aux emplois le plus bas de Suisse. Comment comptez-vous améliorer la situation ? 

Notre rôle est d’être facilitateur, en particulier pour les petites entreprises. Nous devons simplifier les démarches, mieux informer et valoriser les avantages de former des apprentis. Plus nous rendrons visible et accessible cette filière, plus les entreprises s’engageront. 

Le développement de l’offre de formation professionnelle initiale figure d’ailleurs parmi les objectifs de la feuille de route 2023–2028 du DIP. Un projet en cours vise à évaluer précisément les besoins des entreprises en matière de recrutement d’apprentis, afin d’adapter et compléter les dispositifs de soutien existants.  

Revenons à la situation actuelle : plusieurs centaines de places d’apprentissage restent vacantes pour la rentrée 2025/2026 à Genève. Est-ce un sujet d’inquiétude pour vous ? 

C’est à relativiser : à Genève, seules 3% des places restent vacantes, contre environ 13% au niveau suisse. Bien sûr, l’idéal serait d’arriver à zéro. Nous analysons la situation de près, en contactant les entreprises. Au-delà du nombre de places, le défi consiste à trouver une adéquation entre les places proposées par les entreprises et les aspirations ou choix professionnels des jeunes.  

Vous avez pris vos fonctions de directrice de l’OFPC le 1er juillet dernier. Quelles seront vos trois priorités à la tête de l’Office ? 

La feuille de route du DIP fixe des objectifs clairs que nous déclinons autour de trois priorités : valorisation, information et accompagnement. D’abord, il s’agit de reconnaître l’apprentissage comme une véritable filière d’excellence et de renforcer son image. Ensuite, nous devons offrir aux jeunes et à leurs parents une information claire, attractive et accessible, afin de mieux faire connaître la diversité des métiers et les perspectives qu’ils ouvrent. Enfin, nous voulons consolider le soutien aux entreprises formatrices, qui investissent beaucoup dans la formation des apprentis, en renforçant et développant les dispositifs déjà en place. 

Genève accueillera les EuroSkills en 2029. Qu’attendez-vous d’un tel évènement ?  

Énormément  ! C’est un projet majeur, qui nous permettra de sensibiliser largement les jeunes dès 2026 grâce à des événements et des actions de communication. Les EuroSkills offriront une vitrine exceptionnelle pour mettre en valeur les métiers et l’excellence de la formation professionnelle, à Genève comme à l’échelle européenne. Plus de 600 jeunes de 32 pays y démontreront leur savoir-faire dans 45 compétitions, faisant de cet événement une illustration spectaculaire de notre volonté de promouvoir l’apprentissage.