Initiative «Pour l’avenir»: de quoi parle-t-on vraiment?
Le 30 novembre, le peuple se prononcera sur l'initiative «Pour l’avenir», qui propose d’instaurer un impôt fédéral sur les très grandes successions et donations. Mais comment fonctionne réellement cette mesure et quels sont ses enjeux pour le pays ?
Le 30 novembre, les citoyens suisses se prononceront sur l’Initiative «Pour l’avenir», un texte qui propose d'instaurer un impôt fédéral à hauteur de 50% sur les successions et donations supérieures à 50 millions de francs. L'objectif affiché: financer la lutte contre la crise climatique. Mais que quoi parle-t-on vraiment? Karine Curti, directrice de la Flag, et Patrick Kern, juriste, décryptent les enjeux de cette initiative qui soulève de nombreuses interrogations.
«Aujourd’hui, les successions et les donations sont exclusivement imposées par les cantons», rappelle Patrick Kern. Résultat: 26 régimes fiscaux différents à travers la Suisse avec des pratiques très variées. «Seuls les cantons d'Obwald et Schwytz n'imposent pas du tout les successions ni les donations », précise-t-il. L’introduction d’un impôt fédéral constituerait donc une rupture majeure. «L'initiative prévoit un impôt fédéral qui viendrait s'ajouter à l'impôt cantonal existant», souligne Karine Curti. Autrement dit, les deux impôts s’additionneraient, ce qui pourrait faire grimper la facture pour certains héritiers.
«L'initiative prévoit un impôt fédéral qui viendrait s'ajouter à l'impôt cantonal existant»
À Genève, les transmissions entre parents en ligne directe, par exemple entre parents et enfants, sont exonérées. En revanche, «pour un cousin lointain, les droits de successions peuvent atteindre plus de 54 %», note Karine Curti. L’instauration d’un impôt fédéral additionnel viendrait donc alourdir encore la facture pour certains héritiers. Une mesure qui, selon certains économistes, risque d’affaiblir l’attractivité de la place suisse et d’encourager la délocalisation de fortunes importantes vers des juridictions plus stables fiscalement.
Un rendement incertain
Sur le plan international, les impôts sur les successions restent marginaux. «Parmi les pays de l’OCDE, seuls quatre (la France, la Belgique, la Corée du Sud et le Japon) tirent plus de 1 % de leurs recettes fiscales de ces impôts», souligne Patrick Kern. En moyenne, ils ne représentent que 0,5 % des recettes fiscales totales. En Suisse, ces recettes atteignent à peine 0,9 %.
«De nombreux pays ont d'ailleurs supprimé leur impôt sur les successions, estimant que son rendement était trop faible au regard de la perte de compétitivité qu'il entraînait», complète Karine Curti.