Success Story: Aude Jacquet et l'entreprise familiale centenaire
Directrice de l’entreprise genevoise Jacquet, fondée en 1907, Aude Jacquet Patry raconte son arrivée progressive aux commandes et les transformations engagées pour préparer l’entreprise aux enjeux de demain.
À la tête de l’entreprise Jacquet depuis 2014, Aude Jacquet Patry incarne la quatrième génération d’une maison fondée en 1907 à Genève. Architecte paysagiste de formation, elle dirige aujourd’hui près de 300 collaborateurs dans une entreprise devenue une référence romande de l’aménagement extérieur. Un rôle qu’elle n’a pourtant jamais considéré comme une évidence.
« Rien n’était écrit », confie-t-elle. Après six années passées à l’étranger, elle rejoint l’entreprise familiale en commençant par la pépinière, « à la dure », avant de passer par le bureau d’études, le terrain puis les ventes. Un apprentissage complet qui forge sa légitimité : « Beaucoup me connaissaient depuis petite, j’ai dû faire mes preuves. »
Durabilité et attractivité
Sous son impulsion, Jacquet a obtenu plusieurs labels exigeants, dont Bio Suisse. Si ces certifications ne génèrent pas forcément plus de ventes, elles renforcent l’attractivité de l’entreprise : « Nos pépiniéristes sont fiers d’être labellisés bio », souligne-t-elle.
L’adaptation au climat constitue un autre axe stratégique. Face au réchauffement, l’entreprise teste de nouvelles variétés d’arbres capables de résister aux conditions de demain. Plus de 3'500 arbres pilotes ont déjà été plantés. « On doit préparer les paysages du futur. C’est une nécessité, pas une option. »
Première femme à diriger l’entreprise, Aude Jacquet Patry place l’égalité au cœur de sa vision. Avec 30% de techniciennes (un chiffre rare dans ce secteur), Jacquet fait figure d’exception. « Dans un métier perçu comme masculin, il faut accompagner, adapter, ouvrir des portes. Le résultat, ce sont des équipes plus harmonieuses », observe-t-elle. Elle raconte aussi ces situations où, encore aujourd’hui, on la prend pour l’acheteuse d’un appartement lorsqu’elle arrive sur un chantier : « On n’imagine pas qu’une femme soit là pour travailler avec son équipe », sourit-elle.
Des conditions-cadres à améliorer
Derrière la réussite, elle pointe les fragilités du contexte genevois. Pour elle, entreprendre n’a jamais été aussi complexe. « L’entrepreneur doit aller vite, mais les démarches administratives prennent un temps infini. Pour construire un jardin ou un bâtiment, tout dure trop longtemps. Les gens se lassent, certains partent. » Elle alerte sur une perte possible de compétitivité si le canton ne simplifie pas ses processus.
Fière de son ancrage local, Aude Jacquet Patry souhaite transmettre une entreprise solide, fidèle à ses valeurs et capable d’affronter les mutations économiques. « Si je peux léguer une entreprise saine et stable, j’aurai déjà fait ma part. » À celle qu’elle était en arrivant en 1998, elle glisserait un conseil : « Fais-toi confiance. Ce sera dur, très dur parfois, mais ce sera génial. Et n’oublie pas de dormir. »