Podcast Faible participation: la démocratie est-elle à bout de souffle ?

Faible participation: la démocratie est-elle à bout de souffle?

Face à une participation électorale historiquement basse, la démocratie suisse est-elle en perte de souffle ? Dans ce podcast dédié à la participation électorale, Victor Sanchez et Stéphane Garcia analysent les causes de l’abstention et explorent des pistes pour relancer l’engagement citoyen en particulier auprès des jeunes.

Moins d’un électeur sur trois s’est rendu aux urnes pour le second de l’élection complémentaire au Conseil d’Etat à Genève. Et ce n’est pas un cas isolé, puisque, en 2025, la participation moyenne aux trois votations populaires ne dépasse pas 35,4 % dans le canton. Un constat qui interroge : la démocratie directe suisse, souvent présentée comme un modèle, traverse-t-elle une phase d’essoufflement ? C’est la question centrale que soulève le podcast Démocratie de Genève Attractive dans son premier épisode consacré à la participation électorale.  

Autour de la table, deux invités : Victor Sanchez, politologue et coordinateur d’innovations démocratiques à l’Université de Genève, et Stéphane Garcia, secrétaire général de l’association Et Pourquoi Pas. Tous deux dressent un constat nuancé : si la démocratie suisse reste solide, la faible participation électorale soulève des défis de légitimité et d’avenir.

10% d’abstentionnistes chroniques

Dès le départ, Victor Sanchez nuance les discours alarmistes. « En Suisse, on n’assiste pas à un effondrement, mais certains indicateurs sont inquiétants. » Selon lui, seuls 10 % des citoyens sont de véritables abstentionnistes chroniques. « Ce qui compte, ce n’est pas tant le chiffre brut de la participation, mais de savoir qui s’abstient. Si certaines catégories, jeunes ou femmes par exemple, votent systématiquement moins, alors là, oui, la légitimité démocratique est fragilisée. »

Stéphane Garcia rappelle que la participation n’a pas chuté de manière dramatique au fil des décennies. « Depuis les années 1950, le taux de participation moyen est resté stable autour de 45 %. Ce n’est pas satisfaisant, mais ce n’est pas une spirale descendante. » Les citoyens votent par intermittence, en fonction des objets. 

« L’effet première fois est réel, mais léger : deux à trois points de plus, puis un creux jusqu’à 35 ans » 

Victor Sanchez

Le cas des jeunes reste pourtant préoccupant. À 18 ans, beaucoup se lancent avec curiosité, mais rapidement, l’enthousiasme retombe. Victor Sanchez confirme les données : « L’effet première fois est réel, mais léger : deux à trois points de plus. Ensuite, il y a un creux qui s’étend jusqu’à environ 35 ans. » Stéphane Garcia évoque les dernières votations à Genève : « L’enveloppe pesait 180 grammes : deux objets fédéraux, neuf objets cantonaux et une élection complémentaire. De quoi décourager plus d’un, surtout un jeune électeur. »

Mais faut-il en conclure que la jeunesse se désintéresse totalement de la politique ? Pas forcément. « Beaucoup s’engagent autrement : manifestations, projets collectifs, réseaux sociaux, nuance Victor Sanchez.  « Le vote reste central, mais ce n’est pas le seul canal. » Il rappelle que sur une trentaine de votations fédérales, moins de 10 % des citoyens votent à chaque fois, et moins de 10 % s’abstiennent toujours : la majorité se situe entre les deux, choisissant ses moments d’expression.

Réinventer la participation 

« Le problème du vote majoritaire, c’est qu’il désigne un gagnant et un perdant, mais il ne règle pas le désaccord. Ce qu’il faut, c’est réapprendre à construire du consensus. »

Victor Sanchez

Face à la désaffection, les deux invités plaident pour des espaces de dialogues renouvelés. Stéphane Garcia mise sur les espaces de rencontres : « Nous organisons des petites agoras dans les communes, animées par des jeunes pour d’autres jeunes. Les retours sont excellents : quand les gens discutent ensemble, ils se sentent beaucoup plus légitimes à voter. »

Victor Sanchez insiste de son côté sur la nécessité d’« innover constamment ». Il cite les assemblées citoyennes, où des personnes tirées au sort élaborent des propositions consensuelles, ou encore les budgets participatifs. « Le problème du vote majoritaire, c’est qu’il désigne un gagnant et un perdant, mais il ne règle pas le désaccord. Ce qu’il faut, c’est réapprendre à construire du consensus. »

Le numérique : outil mirage ?

« La démocratie, ce n’est pas un simple clic. On doit préserver le temps de la réflexion et du débat. »

Stéphane Garcia

Les réseaux sociaux peuvent donner l’illusion de participer, mais restent très peu crédibles comme sources d’information, selon Victor Sanchez. « 64 % des gens déclarent ne pas leur faire confiance du tout », Stéphane Garcia, lui, préfère y voir un outil à encadrer : « Si l’on parvient à utiliser le numérique pour stimuler le débat public plutôt que le polluer, cela peut devenir une chance. »

Quant au vote électronique, les résultats sont contrastés. « À Genève, les expérimentations n’ont pas augmenté la participation au niveau agrégé », note Victor Sanchez. Elles ont même creusé certaines inégalités entre hommes et femmes ou entre jeunes et électeurs plus âgés. Stéphane Garcia met en garde : « La démocratie, ce n’est pas un simple clic. On doit préserver le temps de la réflexion et du débat. »

Redonner du souffle à la démocratie

Chaque année à Genève, environ 1 300 adultes acquièrent la nationalité suisse. Il faudrait mieux les accompagner pour qu’ils deviennent pleinement citoyens.

En fin d’entretien, les deux intervenants livrent leurs recommandations. Stéphane Garcia plaide pour un meilleur accompagnement et intégration des jeunes et des personnes nouvellement naturalisées : « Chaque année à Genève, environ 1 300 adultes acquièrent la nationalité suisse. Il vaudrait mieux les accompagner pour qu’ils deviennent pleinement citoyens. » Victor Sanchez, lui, appelle à un changement de culture politique : « La démocratie n’est jamais un acquis. Elle doit être nourrie, améliorée, et surtout, elle doit impliquer les citoyens dans sa propre évolution. »

Entre stabilité apparente et signaux d’alerte, l’épisode rappelle une vérité essentielle : la démocratie suisse ne s’effondre pas, mais elle doit sans cesse se réinventer.