Success Story: Slatkine, une vie de livres et de liberté
Dans le podcast Success Story, Ivan Slatkine, directeur de Slatkine Reprints et président de la FER Genève, raconte comment une librairie de livres anciens, née de l’exil, est devenue une maison d’édition familiale et indépendante, capable d’innover, de se diversifier… et de durer.
Comment une maison genevoise familiale a-t-elle bâti un modèle d’indépendance dans un marché ultra-concentré ?
Pour Ivan Slatkine, la réponse tient en un mot : liberté. « Être entrepreneur, c’est être libre », dit-il. Héritier d’une lignée de libraires-éditeurs (4ᵉ génération), il a d’abord suivi un parcours scientifique et un passage en conseil avant de revenir, par choix, à l’entreprise familiale.
Une saga d’intuition industrielle
Au début du XXᵉ siècle, l’arrière-grand-père, ruiné par la révolution russe, ouvre à Genève une librairie de livres anciens avec la bibliothèque sauvée de Russie. Dans les années 1960, son fils Michel Slatkine capte la révolution offset : à partir d’exemplaires rares, il lance les reprints, répondant aux commandes des bibliothèques du monde entier. C’est la naissance de Slatkine Reprints.
Formé en économétrie et en relations internationales, Ivan Slatkine a d’abord suivi une carrière dans le conseil avant de revenir, par conviction plus que par héritage, à l’entreprise familiale. « Être entrepreneur, c’est être libre », affirme-t-il. Une liberté héritée de son père, mais aussi une responsabilité : faire vivre une maison qui concilie passion culturelle et viabilité économique.
« Éditeur, c’est aussi être commerçant »
« Éditeur, c’est aussi commerçant », résume Ivan Slatkine, lucide sur la réalité du secteur. Le marché du livre, dominé par de grands groupes et fortement concentré, laisse peu de marge à l’éditeur comme au libraire. En Suisse romande, vendre 700 exemplaires suffit à parler de « succès », mais rarement à rentabiliser un titre. Face à cette équation fragile, la diversification, entre diffusion, distribution, immobilier, sont devenus essentiels pour faire vivre l’édition indépendante.
Genève, le consensus comme avantage compétitif
Pour Ivan Slatkine, être entrepreneur à Genève reste une chance. La Suisse offre selon lui un cadre exceptionnel, fait de stabilité, de confiance et de dialogue social. « Les atouts y sont multiples. De par sa position géographique, sa stabilité juridique, son économie libérale, son droit du travail très libéral mais un partenariat social qui est fort, on a des conditions-cadres extrêmement favorables pour les entreprises, pour les petites comme pour les grandes », explique-t-il.
À la présidence de la FER Genève, il mesure chaque jour la différence avec d’autres pays. « J’ai une entreprise en France : le droit du travail, c’est quelque chose comme ça. Les procédures administratives sont très lourdes, et le climat social n’est pas du tout le même qu’en Suisse. » Ce qu’il apprécie avant tout, c’est le consensus suisse : cette culture du dialogue qui, selon lui, garantit la stabilité économique et sociale du pays.
Issu d’une famille engagée dans la vie publique, il relie cet attachement à ses racines. « J’aime ce consensus suisse, j’aime ce dialogue. J’ai grandi dans cette culture. » À travers son expérience politique, il observe pourtant une évolution plus tendue du climat politique, marquée par la montée des extrêmes et la perte du sens du compromis. « On est dans un monde de plus en plus polarisé. Il y a plus de confrontation, moins de respect, moins de dialogue. »
Ivan Slatkine met en garde contre cette dérive : même en Suisse, certains partis au pouvoir utilisent aujourd’hui les initiatives populaires à des fins stratégiques. « L’initiative, c’était un outil pour ceux qui n’étaient pas au pouvoir. Aujourd’hui, les partis gouvernementaux l’utilisent, et ça peut déstabiliser notre pays. Il y a quelque chose d’assez malsain dans cette évolution. »
Les chiffres clés
Année de fondation : 1964
Nombre d’employés : 18
Siège social : Genève