L’avenir incertain de la Genève internationale

Alors que le multilatéralisme vacille sous les coups des tensions géopolitiques, la Genève internationale s’interroge sur son avenir. Entre crise de confiance et besoin de réinvention, la “cité de la paix” cherche à préserver son rôle unique dans le monde.

Genève, carrefour historique du multilatéralisme. Mais pour combien de temps encore ? Longtemps symbole d’un monde qui coopère, la ville voit aujourd’hui son modèle fragilisé. La crise du multilatéralisme, nourrie par les rivalités entre grandes puissances et le retour du nationalisme, touche désormais le cœur de la Genève internationale.

Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les institutions installées au bord du Léman affrontent une série de secousses : gels de financements, restructurations, licenciements. Les équilibres qui faisaient la force de Genève vacillent, menaçant tout un pan de l’économie locale.

« Genève a été un temps pressentie pour accueillir le siège des Nations unies au sortir de la Seconde Guerre mondiale », rappelle Pierre-Étienne Bourneuf, chercheur à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID). « C’est dire à quel point cette ville a incarné, dès le XXᵉ siècle, un idéal de gouvernance mondiale. »

Le tissu genevois, fait d’organisations internationales, d’ONG, de missions diplomatiques et de centres de recherche, représente près de 150 000 emplois et environ six milliards de francs de retombées économiques. Mais les menaces s’accumulent. « À la question “en cas de départ massif, suivriez-vous le mouvement ?”, 40 % des ONG et organisations internationales ont répondu oui », alerte Fabrice Eggly, directeur de la Fondation pour Genève. « C’est un grand danger : le risque d’un effet domino négatif est réel. »

La Genève internationale fonctionne comme une mécanique fine : chaque emploi direct en génère plusieurs autres dans l’hôtellerie, la restauration ou les services. « C’est un effet boule de neige positif », souligne Fabrice Eggly, « mais qui peut s’inverser brutalement. » Derrière les diplomates et les grandes institutions, c’est tout un écosystème (PME, travailleurs, commerces) qui pourrait être touché.

Pour éviter ce scénario, les acteurs appellent à repenser la manière dont Genève incarne le multilatéralisme. « Le multilatéralisme doit se réinventer, mais Genève a tous les atouts pour rester sa capitale », estime Fabrice Eggly. Pierre-Étienne Bourneuf, lui, plaide pour un nouveau modèle de coopération : « Il faut penser la Genève internationale de demain : plus efficace, plus coordonnée, plus ouverte entre diplomates, privés et chercheurs. »

Entre inquiétude et optimisme, la ville tente de préserver sa vocation universelle. Si la tentation du repli gagne du terrain, Genève conserve un atout précieux : son histoire, sa neutralité, et un savoir-faire diplomatique que le monde, malgré tout, continue de lui envier.