Un double non massif et historique

Le peuple suisse a infligé une double claque aux deux textes soumis au vote, les classant parmi les plus grands refus enregistrés depuis 2011.

 

Dimanche, les Suisses ont infligé un échec cuisant aux deux initiatives fédérales soumises au vote. L’initiative pour un service citoyen a été rejetée par 84,1% des votants, celle sur la taxation des grandes successions pour financer la politique climatique par 78,3%. Dans tous les cantons, le double non s’est imposé.

Des refus parmi les plus massifs depuis 2011

De tels scores sont rarissimes. Depuis 2011, sur 126 objets soumis en votation, ces deux initiatives figurent dans le top 5 des plus grands rejets (voir tableau). Seule l’initiative de 2015 visant à remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie fait pire, avec un non à 92%.

Comment l’expliquer ? Idéalistes dans leur intention, ces initiatives ont péché par leur excès. L'analyse révèle qu'elles étaient perçues comme peu lisibles, manquant de précision et de cohérence, et, plus fondamentalement, qu'elles ne répondaient pas aux préoccupations prioritaires de la population.

Le rejet de l'initiative de la Jeunesse socialiste est particulièrement frappant. Voulant taxer à 50% les successions au-delà de 50 millions de francs pour financer le climat, le texte n’a réussi à séduire que 22% de l’électorat. Un tel pourcentage de refus (78,3% de non) démontre que le rejet dépasse le traditionnel clivage gauche-droite. D’ailleurs, le sondage Tamedia, le confirme : 43% des électeurs du PS ont dit non à l'initiative de leur propre jeunesse.

Ce refus massif montre que les citoyennes et citoyens ont pleinement saisi les risques qu’aurait fait peser cette initiative sur les finances publiques et la prospérité du pays. Le vote constitue, de ce point de vue, une forme de marque de confiance envers celles et ceux qui entreprennent, innovent, créent des emplois et contribuent à la vitalité économique de la Suisse et de Genève. 

Genève a aussi dit non

Dans le canton de Genève, la participation a atteint près de 40% à Genève, un taux qui renforce la portée de ce choix collectif dans le canton du bout du lac.

Bien que le vote genevois ait été un peu moins tranché que la moyenne nationale sur la question fiscale (le taux de refus local s’établissait aux alentours de 68,2% contre 78,3% au niveau suisse), il confirme une sensibilité particulière aux équilibres fiscaux, à la redistribution et à l’utilisation des ressources publiques. Ces enjeux demeurent cruciaux pour une partie de la population et exigent un effort constant d'explication.

Le monde politique se tourne déjà vers la prochaine échéance. Le 8 mars, les Suisses seront appelés à se prononcer, entre autres, sur l’imposition individuelle (dite « du couple et de la famille ») ainsi que l’instauration d’une redevance de 200 francs pour la SSR. A Genève, les citoyens se prononceront également sur l’exemption du salaire minimum dans le cadre des .jobs d’été. 

 

A Vernier, le naufrage démocratique

Un autre élément marquant de ce 30 novembre concerne le naufrage démocratique de Vernier, la deuxième ville de Suisse romande. Pour la deuxième fois en quelques mois, le scrutin communal est à l’arrêt.

Les contrôles renforcés ont révélé plus de 200 bulletins suspects, forçant la Chancellerie a bloquer immédiatement les résultats. Une expertise graphologique devra déterminer s’il existe des manipulations systématiques, et si le vote doit être annulé, une seconde fois. Quatre dénonciations pénales ont déjà été transmises au Ministère public.

Deux scrutins successifs frappés par des irrégularités graves: la situation est sans précédent. Comment en est-on arrivés là? Comment a-t-on pu laisser notre processus électoral se fissurer ainsi?

En Suisse, nous aimons rappeler que nous vivons dans l’un des systèmes démocratiques les plus aboutis au monde. C’est vrai. Un modèle que beaucoup nous envient, et que nous avons voulu mettre en avant dans notre récente campagne dans l’espace public, sur les trams, les panneaux, dans les transports. Parce qu’ici, en votant, c’est le peuple qui a le dernier mot.

Mais ces incidents fragilisent la confiance indispensable au fonctionnement de ce modèle. Ce qui se passe à Vernier constitue une alerte importante. Les institutions devront trouver les moyens de rétablir pleinement ce lien de confiance entre autorités et population, afin de garantir la solidité d’un système démocratique qui repose avant tout sur sa crédibilité.

 

 

Le classement du plus grand pourcentage de refus (% Non) lors de votations fédérales (2011-2025):

  1. 92.0 % — Initiative « Remplacer la TVA par une taxe sur l’énergie » (08.03.2015)
  2. 84.2 % — Initiative « service citoyen » (30.11.2025)
  3. 79.1 % — Initiative « interdiction de l’expérimentation animale et humaine » (13.02.2022)
  4. 78.3 % — Initiative « pour l’avenir (politique climatique sociale) » (30.11.2025)
  5. 77.3 % — Initiative « Sauvez l’or de la Suisse » (30.11.2014)
  6. 76.9 % — Initiative « revenu de base inconditionnel » (05.06.2016)
  7. 76.3 % — Initiative « Election du Conseil fédéral par le peuple » (09.06.2013)
  8. 76.3 % — Initiative « salaires minimums » (18.05.2014)
  9. 76.0 % — Modification LAMal « Réseaux de soins » (17.06.2012)
  10. 75.7 % — Initiative « Monnaie pleine » (10.06.2018)