Pourquoi la Suisse est-elle une démocratie?
Entre stabilité et défis de participation, la démocratie suisse fascine mais interroge. Dans ce podcast, Marceau Schroeter et Numa Graa explorent ses forces, ses limites et le rôle des cantons comme laboratoires démocratiques.
La démocratie suisse est souvent citée comme un modèle, notamment grâce à ses instruments de démocratie directe : les référendums et les initiatives populaires. Mais comment ces outils façonnent-ils réellement le débat politique, et pourraient-ils être transposés dans d’autres pays ? Dans le podcast de Genève Attractive, Marceau Schroeter, spécialiste et vulgarisateur du système politique suisse, et Numa Graa, professeur associé au département d’histoire, du droit et des doctrines juridiques et politiques de l’Université de Genève, analysent les forces et limites de ce système unique.
Derrière le mythe : l’histoire de la démocratie suisse
Pour Numa Graa, « derrière le mythe d’une démocratie médiévale, ce sont les révolutions du XVIIIᵉ siècle qui ont vraiment façonné notre démocratie. » La Suisse a ensuite mis en place des institutions stables et des outils de démocratie directe permettant de modifier la Constitution de manière pacifique, évitant les révolutions qui ont secoué les pays voisins.
Il souligne également l’importance historique du canton de Genève: «On a mis en place un système particulièrement démocratique, avec un apport historique majeur : c’est ici qu’est née l’élection directe des membres du Conseil d’État en 1847, un modèle que le canton a ensuite transmis à l’ensemble de la Suisse. »
Stimuler le dialogue politique
Les deux experts insistent sur l’un des atouts majeurs du système suisse : sa capacité à stimuler un dialogue politique réel. « Quand une initiative obtient les signatures nécessaires, les autorités ne peuvent pas la rejeter d’emblée. Elles doivent discuter, évaluer, et parfois proposer un contre-projet » explique Numa Graa.
Marceau Schroeter précise le rôle particulier de Genève : « Les députés ont réellement le pouvoir de faire les lois et d’en proposer de nouvelles, ce qui n’est pas le cas ailleurs en Suisse, en principe. » Cette autonomie cantonale illustre la flexibilité et la richesse du système suisse.
Forces et limites
Si le système suisse offre des avantages indéniables, il présente aussi des défis. La lenteur du processus est l’un d’eux : plusieurs années peuvent s’écouler entre le lancement d’une initiative et son éventuelle mise en œuvre.
La participation variable constitue un autre point sensible. Certains votes enregistrent des taux de participation très faibles, parfois inférieurs à 30 %. Numa Graa nuance: « Dans certains cas, un faible taux de participation peut aussi refléter un certain consensus, voire l’accord général de la population avec les décisions prises par le Parlement. »
Laboratoire cantonal
Marceau Schroeter met en avant l’importance des cantons comme terrains d’expérimentation : « La Suisse est véritablement un laboratoire démocratique grâce à ses cantons. Il est donc essentiel de rester attentif à toutes les innovations qui émergent au sein de chacun d’eux. »
« La Suisse est véritablement un laboratoire démocratique grâce à ses cantons »
Cette approche permet d’évaluer l’efficacité des instruments de démocratie directe, d’identifier d’éventuelles dérives et d’adapter les pratiques aux besoins locaux tout en préservant un équilibre national.
Accompagner les citoyens
L’efficacité des instruments démocratiques dépend aussi de la capacité des citoyens à les comprendre et à les utiliser. Marceau Schroeter attire l’attention sur la clarté et l’accessibilité : « Si l’on se place du côté de l’électeur, qui est le réceptacle de ces travaux et qui doit se prononcer, la question de la qualité de l’information à sa disposition devient absolument primordiale. »
Certaines initiatives, comme le modèle « Oregon », s’inspirent de dispositifs étrangers approuvés. Un panel représentatif analyse un objet de votation et rédige un résumé simple et neutre, qui vient alors compléter les brochures officielles. L’objectif est d’aider les citoyens à se forger une opinion éclairée et de favoriser la participation des jeunes et des nouveaux citoyens.
Perspectives d’amélioration
Pour les invités, l’une des grandes forces de la Suisse réside dans sa capacité à réinventer en permanence sa démocratie. Numa Graa rappelle: « La démocratie n’est jamais un acquis. Elle doit être nourrie, améliorée, et surtout, impliquée par les citoyens eux-mêmes. »
Plusieurs pistes sont envisagées pour la renforcer:
-Améliorer la qualité et l’accessibilité de l’information pour tous les électeurs.
-Expérimenter des dispositifs participatifs complémentaires, comme les assemblées citoyennes.
-Mobiliser les jeunes et les nouveaux citoyens pour qu’ils s’engagent activement